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Antiracisme et intersectionnalité (Extraits) (version fr)

Dans le cadre de la Semaine Parisienne de Lutte contre le Racisme et l'Antisémitisme, le MAG Jeunes LGBT organise jeudi 21 mars la troisième édition de la Conférence sur la convergence des luttes LGBT+ et anti-raciste. En tant que porte-paroles du CSF, Su participe à la discussion.




Bonjour, je suis Su, présidente du Collectif Sésame F. […] Avec mon propre vécu en tant que lesbienne immigrée et grâce aux observations approfondies dans mon parcours professionnel, je sens combien l’intersectionnalité est importante dans la lutte contre le racisme et les discriminations.


Pour les personnes LGBTQ+ chinoises, comme pour beaucoup d’autres, il faut subir la double peine imposée par l’homophobie et par la pensée raciste. En tant qu’asiatique, on subit des stéréotypes communs vis-à-vis de nos origines. Par exemple, on a tendance à penser que les asiatiques bien habillés et très polis sont des japonais ou des coréens. J’ai entendu aussi des personnes venues d’autres pays asiatiques, par exemple des Vietnamiens ou des thaïlandais dirent qu’ils souffraient d’être pris pour des Chinois. On s’habitue à dire que les Chinois aiment rester entre eux et n’ont pas d’esprit d’intégration, sans se rendre compte de la difficulté qu’il y a d’être migrant. On dit que les Chinois sont, soit trop polis, soit pas assez, sans avoir aucune idée de ce qu’est la différence culturelle. Les touristes chinois sont forcément riches, et les immigrés chinois, eux, travaillent dans la restauration ou comme ouvriers. Ils sont nés pour travailler et c’est normal de les payer moins pour les faire travailler plus. Les femmes chinoises, comme toutes autres femmes asiatiques, sont forcément plus douces et plus soumises, c’est là leur charme exotique. Selon notre âge, notre couche sociale, notre sexe, avant de subir les discriminations homophobes, on subit souvent, avant tout, des discriminations qui se multiplient et se mêlent avec des stéréotypes sur la Chine et les Chinois.


A part quelques cas radicaux où on nous siffle, on nous hurle dessus, ou on nous insulte, en utilisant directement des mots ou des phrases racistes et/ou homophobe, la plupart du temps, les personnes LGB chinoises sont confrontées à des discriminations ou à des traitements difficiles à identifier. Par exemple, quand on achète des choses ou qu’on demande des informations, on nous traite plus souvent avec moins de patience. Là, il est difficile de dire à quelle discrimination on fait référence. C’est parce que je suis Chinoise ? C’est parce que je suis une femme ? C’est parce que je ne parle pas bien le Français ? C’est parce que mon apparence ne correspond pas à l’image classique des femmes ? Ou c’est parce que mes vêtements sont jugés inappropriés ? Impossible de savoir. L’orientation sexuelle n’est pas toujours si visible, mais la couleur de peau et les marqueurs sociaux, oui. Voilà, à travers ces exemples quotidiens, je voulais montrer que dans la vie de tous les jours, identifier les discriminations différentes, ce n’est vraiment pas un travail facile. Et donc l’intersectionnalité est bien utile pour comprendre cette complexité.


Tous ces rapports dominants qui produisent des discriminations croisées, n’existent pas uniquement en dehors de la communauté LGBT. Ils existent aussi au sein même de la communauté. Ils créent de nouvelles formes discriminatoires et des relations hiérarchisées. Par exemple, parce que la Chine est moins démocratique et plus homophobe que la France. Sans analyser la situation de chacun, on suppose systématiquement que tous les Chinois veulent rester définitivement en France. Et donc, il peut naître dans une relation intime une sorte de doute dans la tête du partenaire français, qui peut supposer que l’autre veut profiter de lui, et de la possibilité pour les personnes de même sexe de se marier pour acquérir un titre de séjour de longue durée. C’est la vulnérabilité des migrants qui produit ce genre d’attitude blessante, et ça peut arriver dans un couple gay aussi bien que dans un couple lesbien.


Il y a aussi des discriminations exercées sur les LGB Chinois selon les sexes. Il y a des gays qui m’ont raconté que les hommes asiatiques ont des difficultés à trouver un Français pour construire une relation stable et équilibrée. Certains d’entre eux subissent aussi des discriminations pour trouver un partenaire sexuel. J’ai appris par un ami gay, que chaque fois, après du sexe occasionnel avec un Français ou un européen, aucun ne lui propose jamais de rester passer la nuit chez lui, malgré l’heure tardive. Il est obligé de rentrer chez lui, en banlieue, en plein milieu de la nuit. Il raconte ça comme si c’était normal. Et moi j’ai vérifié auprès de mes amis gays français, qui m’ont dit qu’entre les gays français, sauf si la soirée s’est très mal passée, on propose souvent à l’autre de rester, surtout après minuit. Enfin, dans un couple gay sino-français il y a souvent un écart d’âge assez important et bien sûr c’est toujours le Chinois qui est beaucoup plus jeune que le français blanc. Et la conséquence, c’est que, à l’image de cette hiérarchie entre l’Occidental blanc et le Chinois, certains LGB chinois reproduisent la même hiérarchie en méprisant les personnes d’une autre couleur ou d’une autre origine, notamment d’origine arabe et des « noirs ». Au sein de la communauté LGB chinois, ce genre de problèmes existe, et chez certains Chinois ou Chinoises, on peut même parler de racisme.


Pour parler maintenant des femmes, d’après moi, le plus grand problème c’est l’invisibilité des lesbiennes asiatiques, au sein de la communauté chinoise tout d’abord, et au sein de la communauté LGBT de manière générale. Dans mes travaux de recherche, j’ai l’occasion d’écouter les expériences discriminatoires de lesbiennes et de bisexuelles chinoises. Quand elles racontent leurs expériences de discrimination homophobe en Chine ou leurs expériences en France en tant que chinoise racisée, Elles ne manquent pas de mots. Mais quand il s’agit d’aborder leurs expériences en tant que LB chinoise au sein de la communauté LGBT en France, personne n’arrive à citer d’exemple. C’est sans doute parce que, au contraire de la situation chez les gays, il y a, à ma connaissance, peu de couples lesbiens sino-français. Ce manque d’exemples et cette absence de témoignage chez les lesbiennes et les bisexuelles chinoises, sont dues aux liens très faibles qui existent entre les LB chinoises et le milieu lesbien français. Dans les bars lesbiens, on voit rarement des Chinoises. Sur les sites de rencontre français, il y en a aussi très peu. Elles communiquent surtout au travers des réseaux sociaux, dans les groupes lesbiens de wechat et sortent entre elles. Certaines Chinoises parlent même de la peur qu’elles ressentent à l’idée d’aller dans un bar : c’est pour elles, terrifiant, de s’imaginer dans un endroit et d’être la seule asiatique.


Jusque-là, j’ai surtout parlé des expériences discriminatoires des LGB chinois ou chinoises, mais rien de ce que vivent les personnes trans. C’est parce que, même si j’ai pu croiser dans ma vie certaines personnes et que j’ai pu penser qu’elles étaient trans, j’ai l’impression qu’il y a une grande difficulté à s’identifier en tant que trans. Cette difficulté est partiellement liée, d’après moi, à la présence très visible de la transphobie dans la communauté LGBT chinoise, en Chine et en France.


[…] Pour notre association, c’est essentiel de lutter contre toutes sortes de stéréotypes, de pensées racisées, de pratiques inégalitaires, de violence visible ou invisible. Sur ce point-ci, on ne vise pas seulement les Chinois ou les asiatiques. C’est une lutte générale à tout niveau, organisée par tous et toutes, et pour toutes les personnes opprimées. […] La tâche n’est pas facile et le chemin est long. Nous avons donc besoin de nous regrouper pour fédérer toutes les forces, mais aussi pour donner à chaque existence le respect qui lui est dû.


La communication est non seulement le premier pas pour nouer des liens de solidarité, mais aussi l’outil le plus important pour réformer, bouleverser, et rassembler les forces de construction et de création. Comme nous l’avons écrit sur nos flyers : notre association cherche « à promouvoir les échanges entre les différents groupes de minorités sexuelles, pour renforcer la compréhension mutuelle et l'amitié entre les féministes et LGBTQ+ des mondes francophones, anglophone et sinophone. »



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