Auteur.es :Qian Wan et su
Traduction : Su
Correction: Georges
Les ravages du nouveau virus de la COVID-19 en Chine et sa propagation à travers le monde ont progressivement inquiété les Chinois.es en France. Les craintes et les inquiétudes du public français à ce sujet se sont également approfondies avec les reportages. Cependant, ce ne sont pas seulement le mauvais fonctionnement du système et les problèmes sociaux exposés par ce fléau qui font froid dans le dos, mais aussi la discrimination raciale.
Que ce soient les immigrés de première génération qui ont grandi dans les pays asiatiques et ont vécu en France, ou les personnes d’origine chinoise nées en France, ils semblent tous être classés dans une catégorie nommé « Asiatiques » en raison de leurs visages asiatiques. Quelle que soit la langue qu’ils parlent, quelle que soit la nationalité qu’ils ont, d'où qu’ils viennent, ne sont plus pris en compte que leur soi-disant « face asiatique » (visage avec des caractéristiques de « race asiatique » ? couleur de peau ? couleur de cheveux ?). Ils peuvent alors être victime d'une discrimination flagrante. Ces incidents de discrimination créés par la peur du virus ou par la peur du port des masques illustrent en effet les discriminations à l'encontre des « Asiatiques », plongés depuis longtemps dans la société française.
Comme contre-attaque, le mouvement du tag #jeNeSuisPasUnVirus apparaît sur l’internet. Il est lancé par des personnes d’origines « asiatiques », pour dénoncer et combattre les discriminations à leurs encontre en France. Nous ne voulons pas répéter ici le contenu spécifique de ce mouvement. Nous voulons juste souligner ceci: dire "Je ne suis pas un virus", cela pose de nombreux problèmes et risque fort de tomber dans le piège de la discrimination, voire du raciste. Bien sûr, nous voulons lutter contre toutes les sortes de discriminations raciales et notamment celles dans le contexte du coronavirus. L’objectif de cet article n’est pas de nier la bonne volonté de #jenesuispasunvirus, et nous l’écrivons pour inviter chacun à réfléchir à cette forme de lutte.
Le mouvement #Je ne suis pas un virus nous propose de s’identifier et/ou d’affirmer nous-même que nous ne sommes pas un virus. Citons un exemple, dans le journal de TF1, présentant « #JeNeSuisPasUnVirus. Le sujet dénonce les amalgames et le racisme lié au coronavirus » diffusé récemment par une chaîne française. Pour cela, on interroge une personne « asiatique ». En se plaignant de discrimination, une femme déclare: "Je me sens en colère, pourquoi on m’a discriminé? Je suis française (comme vous tous). Vous ne devriez pas réagir comme ça."
Je comprends sa colère, mais en l’écoutant, je me sens rejeté. En tant que personne née en Chine mais ayant déjà vécu en France depuis plus de 15 ans, cette façon de rappeler son origine française pour prouver qu’elle ne porte pas le virus, m’a bien choqué. N'est-il pas possible qu'un « Français » soit porteur de coronavirus ? Le virus se propage-t-il uniquement à partir des non-Français ? Pourquoi affirme-t-elle cette distinction quand elle résiste à la discrimination ? Ses présupposés implicites sont clairs : je ne suis pas de Chine, je ne suis pas chinoise, je suis française, donc vous ne devriez pas faire de discriminations à mon égard. Mais est-il juste, alors, de discriminer les personnes nées en Chine ? Durant cette période difficile où l’on subit ensemble des discriminations en raison de nos visage « asiatique », ces « Français.es » nés en France tracent une frontière entre eux et nous. Pour mettre en évidence l’injustice qu’elle subit, elle reproduit de nouveau une discrimination. Malheureusement, elle n’est pas la seule personne qui dit ce genre de choses. Une chose est sûre, tout cela est dit uniquement aux « Français de souche », et les sentiments des étrangers ou des immigrés « asiatiques » ne sont pas suffisamment considérés. Ces « asiatiques », ces enfants des immigrés disent «Je suis Français, donc je ne suis pas un virus», mais ils oublient que le virus n'a rien à voir avec le fait que nous soyons chinois ou français, il se propage aux personnes à risque, peu importe d'où vous venez et quel type de visage vous avez. Citons nous un autre exemple : on nous souvent demande: «Êtes-vous retourné en Chine récemment?» «Portez-vous un masque? Êtes-vous malade ?» La grande inquiétude liée au masque, et la propagation du virus, révélés par ces questions est compréhensible. Pourtant, en posant ce genre de question, la réponse qu'on attend était toujours de prouver mon innocence. Pour continuer la conversation, je dois dire : « Non, je ne suis pas allé en Chine récemment. » ou « Non, je porte un masque non pas parce que je suis malade, mais parce que je ne veux pas être infecté. » Mais une telle réponse revient à exclure les personnes originaire de Wuhan ou qui reviennent de la Chine. Quand je dis de ne pas me discriminer parce que je n’ai pas quitté la France, est-ce qu’on implique la possibilité de considérer comme des porteurs de virus les personnes venues récemment de la Chine ?
Ce n’est pas simplement une manière d’exprimer ses propres inquiétudes. Car il y a des gens qui sont exclus et elle oblige chaque « Asiatique » de prouver qu’il/elle n’est pas porteur/portrice de virus. Mais pourquoi ? Parce qu’on n’est pas assez « blanc » ou qu’on n’est pas « Français » ?
La même chose s’est aussi passée entre différentes provinces en Chine. Après que l'épidémie ait été signalée, les habitants de Wuhan et de la province de Hubei ont subis des discriminations provoquées par les personnes d'autres provinces. Du fait des informations gouvernementales peu claires et d’une flambée épidémique généralisée, une telle panique est compréhensible. Mais cela ne donne pas de raison de discriminer les gens. Calmer la panique parmi la population et contrôler efficacement la propagation du virus sont des préoccupations et les responsabilités des gouvernements chinois et français. Ce n’est pas le public qui doit se charger de ce rôle pour juger qui est porteur du virus, selon leurs origines.
Comment réagissent les médias ? Les médias français et ceux au sein des communautés chinoises nous disent qu’en France, seuls les malades portent des masques, et qu’on doit pardonner les « Français » qui discriminent les « Asiatiques » en raison de leur port du masque. Les médias au sein des communautés chinoises, eux, disent que c’est seulement une différence culturelle, et que rien à avoir avec la discrimination.
Donc, les personnes comme nous qui se sentent mal d’entendre des remarques comme « je ne suis pas un virus » ou qui ont du mal à supporter les questionnement sur notre déplacement récent, sont-elles trop sensible ? Réagissons nous trop fortement ? Toutes les discriminations que l’on dénonce, n’existeraient donc finalement pas et seraient donc le fruit de notre imagination ?
D’après nous, il est vrai qu'en raison du smog chinois et d'autres raisons, les Chinois sont devenus plus habitués à voir d'autres personnes porter des masques ces dernières années. Cependant, il est tout à fait inapproprié de nier l’existance des discriminations associées au masque et d’ignorer nos blessures et les sentiments d’être exclus. Les discours des média (chinois en France) illustrent surtout l’intériorisation de la discrimination par les immigrés. Que nous portions un masque ou non, que nous sont nés en France ou non, il n'y a aucune raison que les autres projettent leurs peurs sur nous, au sein d’un large éventail de races, de régions ou de classes. Aujourd'hui, vous avez dit "je ne suis pas un virus", alors qui est le virus ? Les personnes venues de Wuhan? Les personnes qui sont récemment revenues de Chine? Des Chinois? Des « Asiatiques » qui n’ont pas encore prouvé qu’ils sont « clean »? Enfin, qui devrait être considéré comme un virus?
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