Auteur.e: Piccolo
Traduction : Su
Correction : Georges
J'ai lu les articles publiés récemment par le CSF sur le coming-out. J’écris ce texte pour exprimer mon point de vue. En fait, parlant du fond de mon cœur, j'envie beaucoup A Hei et Xi'En.
J'ai d'abord lu l'article d'A Hei. Dans cet article, A Hei se demande si tout le monde devrait être financièrement indépendant pour faire son coming-out. Selon son observation, pas mal de gens croient qu'une certaine «qualification » est nécessaire pour faire le coming-out. Il a demandé à tout le monde, dans son texte, si cela fait partie d’une sorte « d'homonormalité ». (Je le cite car je ne comprends pas particulièrement le sens de ce terme).
Après avoir lu son article, j'ai finalement compris qu'il pensait que nous n'avons ni besoin d'être financièrement indépendants, ni d’'être membre d’une "élite" pour faire son coming-out. D’après A Hei, si on pense comme cela, on risque, ou l’on est déjà tombé dans le piège de « l’homonormalité ».
Je ne sais pas si A Hei a raison. Quand je réfléchis cette question simplement suivant mes propres expériences, je pourrais dire que sans autonomie financière, je n’avais aucune chance de sortir du placard.
J'avais la vingtaine et je suis allé au lycée mais sans le finir. Mes notes n’étaient ni très bonnes ni mauvaises. Mon père a subir un grand revers d’investissement et toute notre famille était soudain endettée. Parce que je suis le fils ainé, mes parents me poussaient alors d’arrêter mes études et de trouver un travail. Parfois, j'envie les étudiants chinois vivant en France, car ils semblent avoir beaucoup de temps pour s’amuser avec leurs amis et faire ce qu’ils veulent. Mais ce n’est pas mon cas. Depuis mon arrivée en France, j'ai surtout travaillé dans la restauration. À quelques reprises, j'ai été blessé au travail. Quand ma santé allait mieux, j'ai été pressé assez tôt de retrouver un emploi. La plupart de l'argent que j’ai gagné a été pour rembourser les dettes de mon père, puis pour faire vivre mon jeune frère et ma sœur, qui sont toujours en Chine. Plus tard, après avoir remboursé toutes les dettes, avec mes parents, ,pis économisons pour trouver un logement plus grand et préparer l’arrivées de mon frère et de ma sœur. Du point de vue personnel, je ne veux pas être salarié tout le temps. Je veux économiser de l'argent pour monter mon propre restaurant ou magasin.
J'ai pensé à faire mon coming-out auprès de ma famille, mais finalement j'ai jugé que ça n’allait pas fonctionner. Habituellement, on se parle peu, et si je leur dis cela soudainement, ils vont sûrement penser que je suis malade. Je ne sais pas s'ils connaissent le mot « homosexuel ». Mais ils ne me soutiendront pas. Ça, j'en suis très sûr. Après tout, c'est une chose honteuse pour eux, et je ne peux pas imaginer comment nos entourages vont nous voir si jamais ils sont au courant. Tout le monde doit se marier, et il a l’air impossible de ne pas épouser une femme ou ne pas avoir un enfant. Cette norme me pose vraiment un gros problème. Avec mon environnement, je ne sais pas si la situation est améliorée quand j'ai une indépendance financière. Car j'ai déjà gagné de l’argent. Mais je dois aussi prendre charge de ma famille et je ne peux pas les abandonner pour aller ailleurs faire ma propre vie. Nous sommes logés dans une maison au banlieue parisienne, et quand il y aura suffisamment de d’espace, je ne peux pas dire à mes parents que je vais louer une chambre ailleurs. Ce n’est pas rentable car on a encore besoin d’argent. Donc, même si j’ai mon indépendance économique, je ne pourrais toujours pas faire mon coming-out. Quant à appartenir à une « élite », cela semble encore plus loin de ma vie.
Peut-être que certaines personnes me demanderont, en avez-vous parlé aux collègues et aux amis ? C'est impossible de parler de son homosexualité à mes collègues. Dans de nombreux cas, nous sommes dans une relation concurrentielle. Si le patron est au courant, il ne l'acceptera pas et je vais perdre le travail. Parmi quelques collègues qui deviennent amis, un ou deux d’eux savent vaguement que je ne m'intéresse pas aux femmes. Je n’ai personne à parler clairement ce problème dans mon encourage. En fait, je ne peux même pas communiquer mes pensées profondes avec eux, encore moins les choses sur l’homosexualité. L’ambiance est effectivement plus libre entre les jeunes, au moins qu’ils ne me poussent pas à se marier. Avec mon âge qui approche 30 ans, la pression du mariage est de plus en plus fort.
Dans son texte, A Hei a aussi demandé si « ne pas faire son coming-out », c'était « une manière silencieuse de résister au mode de gouvernance standardisé attendu par la société», en occurrent « homonormalité ». Je ne sais pas répondre. Tout ce que je sais est que, si je ne fais pas mon coming-out, c’est parce que je n’ai pas de choix. Ce n'est pas par résistance ou quelque chose comme ça. C’est tout simplement que je ne peux pas le faire. Moi ou quelqu'un comme moi, nous ne pouvons pas faire de coming-out : ce n’était pas pour nous. On n’a jamais pensé cette question de cette manière.
J'avoue que j’envie les gays qui peuvent vivre ouvertement avec leurs petits amis. Avec ou sans l’indépendance financière, s’ils peuvent faire leurs coming-outs, cela implique qu’ils obtiennent au moins certains soutiens ou tolérances de leur entourage. Mais moi, il y a une grande possibilité que je doive épouser une femme proposée par mes parents et avoir au moins un enfant avec elle. En sachant que dans notre cercle, si une personne ne se marie pas à trente ans ou plus, sa réputation va être abîmé. J’espère qu’un jour, quand j’ouvrirai ma propre boutique, avoir plus de liberté personnelle.
Ce que les gens comme A Hei qui sont allés à l'université pensent est vraiment différents de ce que les gens comme moi pensent. Par exemple, A hei a appelé tout le monde à "respecter l’espace de la vie privé ". Je ne pense pas que cela puisse être réalisé. Car tout le monde a besoin de famille et d'amis, et ils ne peuvent pas ignorer nos vies privées. Quant à Xi En a dit dans son texte que « le coming-out devrait être une conscience collective ». Bien que je n’aie ressenti aucune objection, mais je me suis senti quand même une pression. Quand je pense à ma situation, j'ai l'impression que je suis impuissant pour répondre son appel, même si la Chine et la France n'ont pas la punition de lapidation comme dont elle parlait. C’est pour ça que je leur envie : leurs conditions de vie leur permettent de rendre le coming-out si significatif et grandiose. Mais chez moi, c'est plutôt une douleur de ne pas pouvoir bouger.
Je n’ai pas fait beaucoup d’étudse. Je parle moins bien qu’eux. Je ne peux pas utiliser leurs mots. Si ce texte peut être publié, je remercie vraiment le collectif sésame F qui nous donner un espoir de parler librement.